L’excision et les mutilations feminines restent proscrites en Gambie malgre les pressions des tenants proclames de la tradition: le Parlement a rejete lundi une proposition de loi qui aurait leve l’interdiction en vigueur depuis 2015 sur ces pratiques, apres des mois de controverse.
Les deputes ont rejete tous les amendements proposes au texte de 2015, qui auraient depenalise la pratique.
Les groupes de defense des droits humains et les Nations unies avaient exhorte les deputes a rejeter la proposition de loi, affirmant qu’elle menacait des annees de progres et aurait fait de la Gambie le premier pays a annuler l’interdiction des mutilations genitales feminines (MGF).
« Je declare que la proposition de loi est rejetee et que le processus legislatif est epuise », a dit le president de l’Assemblee nationale, Fabakary Tombong Jatta.
La proposition de loi dont le Parlement etait saisi depuis mars divise profondement l’opinion de ce pays a majorite musulmane.
Le texte presente par le depute Almameh Gibba affirmait que l’excision est une pratique culturelle et religieuse profondement enracinee. Mais les militants contre les MGF et les Nations unies disent qu’il s’agit d’une violation des droits humains.
Les MGF incluent l’ablation partielle ou totale du clitoris (excision), ou plus largement des organes genitaux externes, ou tout autre blessure des organes genitaux.
En dehors de la douleur et du traumatisme, elles peuvent avoir de graves consequences: infections, saignements, et plus tard sterilite et complications en couches.
La Gambie fait partie des 10 pays ou le taux de MGF est le plus eleve: 73% des femmes et des filles de 15 a 49 ans ont subi cette pratique, selon les chiffres du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) pour 2024.
– « Servir d’exemple » –
« Ce vote est une victoire importante pour les femmes et les filles en Gambie », a declare a l’AFP Divya Srinivasan, de l’ONG de defense des droits des femmes Equality Now. « Nous esperons que cette decision servira d’exemple dans la region proche ainsi que sur l’ensemble du continent », a-t-elle ajoute.
Amnesty International a egalement applaudi.
L’adoption de la loi de 2015 « constituait une etape importante dans les efforts deployes par le pays pour proteger les droits des filles et des femmes », a rappele Samira Daoud, directrice regionale d’Amnesty International. « Il etait essentiel de proteger ces progres », a-t-elle salue.
Amnesty presse cependant le gouvernement d’en faire plus pour faire respecter la loi et s’attaquer aux « causes profondes du probleme pour changer les attitudes et les normes afin d’autonomiser les femmes et les jeunes filles ».
Un rapport des Nations unies datant de mars indique que plus de 230 millions de filles et de femmes dans le monde ont survecu a cette pratique.
– « Circoncision feminine » –
Une commission parlementaire avait ouvert la voie au vote de lundi.
Son rapport indiquait que l’abrogation de l’interdiction « exposerait les femmes et les filles a de graves risques sanitaires et violerait leur droit au bien-etre physique et mental ».
La commission disait avoir interroge des erudits musulmans qui avaient confirme que ces pratiques n’etaient pas voulues par l’islam, contrairement a ce qu’affirmaient les partisans de l’abrogation. Les deputes avaient approuve le rapport la semaine passee.
L’ancien dictateur gambien Yahya Jammeh (1994-2017), aujourd’hui en exil, avait interdit les mutilations genitales feminines en 2015, estimant qu’elles etaient depassees et ne constituaient pas une exigence de l’islam. La meme annee, le Parlement avait adopte la premiere loi interdisant specifiquement cette pratique, desormais passible d’une peine pouvant aller jusqu’a trois ans d’emprisonnement.
En realite, les MGF n’ont pas ete eradiquees en Gambie.
La querelle recente a eclate en 2023, quand trois femmes ont ete condamnees a des amendes ou a des peines de prison pour avoir pratique des mutilations genitales feminines.
Un religieux islamique a paye les amendes et le Conseil supreme islamique de Gambie, principale organisation musulmane, a emis une fatwa confirmant la legalite de la « circoncision feminine ». Le Conseil disait que la « circoncision feminine » n’etait pas seulement une coutume ancestrale, mais aussi « une des vertus de l’islam ».