Une nouvelle étude pour enfoncer le clou ? De nouveaux travaux parus dans la revue Nature viennent largement étayer la piste d’un double effet protecteur du vaccin contre le zona : il offrirait, bien sûr, une protection contre le zona mais réduirait également le risque de démence. De précédents travaux allant dans ce sens avaient déjà été publiés par le passé. Avec le biais que les personnes choisissant de se faire vacciner aient également de meilleures habitudes en matière de santé que les autres. Cette fois, les travaux effectués par l’Université Stanford (Etats-Unis) – effectués sur la population du Pays de Galles – ne semblent pas présenter de biais.
Le zona est une infection virale provoquant une éruption cutanée douloureuse. Elle est causée par le même virus que la varicelle : le virus varicelle-zona (VZV). Après avoir contracté la varicelle, généralement durant l’enfance, le virus reste latent dans les cellules nerveuses à vie. Chez les personnes âgées ou dont le système immunitaire est affaibli, le virus latent peut se réactiver plus tard dans la vie et provoquer le zona. Souvent bénin, il peut avoir de graves conséquences chez les personnes immunodéprimées, comme une perte d’audition ou une paralysie. C’est ainsi qu’en France par exemple, ce vaccin est recommandé pour tous les adultes âgés de 65 ans et plus, ainsi que pour les personnes de 18 ans et plus dont les défenses immunitaires sont diminuées.
20% de risque de démence en moins
Ces nouveaux travaux se sont justement basés sur un programme de vaccination destiné aux seniors, débuté le 1er septembre 2013 au Pays de Galles. Toute personne âgée de 79 ans à cette époque était admissible au vaccin durant un an. Les personnes âgées de 78 ans y auraient accès l’année suivante, et ainsi de suite. En revanche, les personnes déjà âgées de 80 ans ne pouvaient plus bénéficier du vaccin. Les chercheurs ont donc pu comparer une population quasiment du même âge, vaccinée ou non, avec pour seul critère le seuil d’éligibilité.
En comparant les personnes ayant eu 80 ans juste avant le 1er septembre 2013 à celles ayant eu 80 ans juste après, les chercheurs ont pu isoler l’effet de l’admissibilité au vaccin. « Nous savons que si l’on prend au hasard mille personnes nées une semaine et mille personnes nées une semaine plus tard, il ne devrait y avoir aucune différence en moyenne« , explique à Sciences et Avenir le Dr Pascal Geldsetzer, professeur assistant de médecine à Stanford et auteur principal de l’étude. « [Les deux groupes] sont similaires, hormis cette infime différence d’âge. » Des conditions « aussi proches que possible » d’un essai contrôlé et randomisé.
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En tout, plus de 280.000 personnes âgées de 71 à 88 ans ont pu être incluses dans l’étude. Mais seules les personnes autour de 80 ans, proche du seuil d’éligibilité, ont été examinées. En 2020, donc sept ans après le début des travaux, environ 1 adulte sur 8, âgé de 86 à 87 ans, avait reçu un diagnostic de démence. Mais chez les personnes vaccinées contre le zona, ce risque avait été réduit d’environ 20% par rapport aux personnes non vaccinées.
Les travaux ont aussi montré que la protection contre la démence était plus forte chez les femmes que chez les hommes. « C’est peut-être dû à une différence de la réponse immunitaire selon qu’on est un homme ou une femme. Ou une différence dans la façon dont la démence se développe. Les femmes ont en général une réponse d’anticorps plus élevée après une vaccination. On sait aussi qu’à la fois le zona et la démence sont plus fréquents chez les femmes que chez les hommes« , suppose le Dr Geldsetzer.
Un mécanisme mal compris
Mais comment est-il possible qu’un vaccin contre le virus de la varicelle et du zona ait un effet sur la démence ? Deux mécanismes pourraient entrer en jeu, l’un n’excluant pas l’autre. « Le premier mécanisme est spécifique au virus de la varicelle« , explique le chercheur. « De plus en plus de recherches montrent que les virus qui ciblent préférentiellement le système nerveux et y hibernent une grande partie de la vie pourraient être impliqués dans le développement de la démence. L’un de ces virus est bien sûr celui de la varicelle, qui peut provoquer un zona plus tard dans la vie. Le deuxième mécanisme est potentiellement indépendant du virus de la varicelle. De plus en plus de preuves montrent que les vaccins peuvent avoir des effets sur le système immunitaire qui vont au-delà de la simple production d’anticorps spécifiques pour lesquels ils ont été conçus, et que ces effets immunologiques plus larges peuvent avoir des effets bénéfiques sur d’autres maladies. »
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Reste à savoir sur quelle durée le vaccin offre une protection contre la démence. Comme le vaccin contre la varicelle et celui contre le zona ciblent le même virus, les plus jeunes générations ayant bénéficié d’un vaccin contre la varicelle seront-elles aussi protégées plus tard dans la vie ? « Je pense que ces questions de recherche restent ouvertes. Si le mécanisme reliant la vaccination contre le zona à la démence passe par le mécanisme spécifique au virus de la varicelle que j’ai décrit juste avant, il semble alors plausible que les générations futures ayant reçu le vaccin contre la varicelle dans leur enfance présentent une incidence de démence plus faible« , suppose le Dr Geldsetzer. En attendant, l’équipe espère pouvoir bientôt lancer un essai clinique classique, afin de pouvoir définitivement conclure d’un lien de cause à effet.