Fievre, raideur de la nuque, maux de tete : ce sont les symptomes qu’a ressentis un garcon age de neuf ans une semaine apres etre rentre de vacances en camping dans le nord de l’Ontario, au Canada. Admis a l’hopital d’Ottawa, les medecins ont effectue des tests approfondis pour identifier la maladie dont il souffrait, notamment le virus d’Epstein-Barr (un membre de la famille des virus herpes), la meningite bacterienne ou encore la maladie de Lyme. Il aura fallu plusieurs semaines pour que le diagnostic final tombe : l’enfant souffre du virus Powassan.
En partant de ce cas medical, le Dr Zachary Blatman, medecin specialise en pediatrie au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario, a Ottawa, et ses collegues, alertent dans une etude parue dans le CMAJ (Canadian Medical Association Journal) : les cas d’infection au virus Powassan sont en augmentation ces vingts dernieres annees au Canada. Et sont sans doute largement sous-estimes tant ce virus est rarement suspecte.
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Que sait-on du virus Powassan ?
Decouvert en 1958 dans le tissu cerebral d’un enfant atteint mortellement d’encephalite a Powassan, ville situee dans l’Ontario, ce virus appartient au genre des flavivirus (groupe des arbovirus) et est transmis a l’humain par les tiques infectees (Ixodes). Outre l’humain, de nombreux animaux peuvent l’heberger : les marmottes, les lievres, les coyotes, les renards, les ratons laveurs et mouffettes, ainsi que les chats et les chiens domestiques.
L’encephalite de Powassan n’a pour l’instant ete reperee que dans une poignee de pays : les Etats-Unis, le Canada et la Russie. L’incidence varie selon l’activite des tiques (Ixodes cookei, Ixodes marxi, Ixodes spinipalpus), plus elevee dans les regions rurales ou forestieres, et le risque de contamination est maximal de juin a septembre.
Ce virus peut se transmettre dans les 15 minutes suivant la fixation de la tique et les symptomes peuvent se developper une a cinq semaines plus tard. « La plupart des patients presentent des symptomes pseudo-grippaux qui durent quelques jours, cependant, certains patients developperont une maladie neuro-invasive presentant des symptomes caracteristiques d’une encephalite (inflammation de l’encephale, ndlr) virale, notamment de la fievre, des cephalees et une alteration de l’etat mental (syndrome confusionnel ou encore perte de memoire, ndlr) », detaillent les medecins dans leur etude.
Les nouvelles sont toutefois rassurantes concernant le garcon de neuf ans qui a fait l’objet de cette etude : deux mois apres sa sortie de l’hopital, les signes d’encephalite detectes a l’IRM au troisieme jour de symptomes (voir l’image ci-dessous) ont disparu, precisent les medecins.
IRM du cerveau du garcon de neuf ans atteint d’encephalite de Powassan, realisee le troisieme jour des symptomes. (A) Presence d’un hypersignal bilateral dans le noyau caude, le noyau lenticulaire et les thalamus (fleches). (B) Presence d’un hypersignal bilateral dans la substance noire (mesencephale) (fleches). Credits – Zachary Blatman et. al., CMAJ 2024
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Des cas rares mais un taux de mortalite eleve
Les cas d’infection restes rares : « de 2004 a 2022, les Etats-Unis ont signale 288 cas d’infection par le virus Powassan, precisent les chercheurs. Parmi ces cas, 72 (25 %) sont survenus chez des enfants, 264 patients (92 %) ont du etre hospitalises et 36 patients (13 %) sont decedes. Seuls 21 cas ont ete signales au Canada depuis 2017, mais un manque de reconnaissance clinique, et donc de tests, peut entrainer une sous-estimation de l’incidence. »
Le taux de mortalite est ainsi evalue a 10 a 15 %, et les survivants ont environ 50 % de probabilite de souffrir de troubles neurologiques persistants (notamment de maux de tete et d’alteration de l’etat mental). Or, il n’existe ni traitement specifique ni vaccin pour ce virus.
Le Dr Zachary Blatman recommande ainsi aux medecins d’effectuer un test a large spectre en cas de signes evocateurs d’encephalite chez un patient, afin de reperer plus frequemment le virus Powassan. « Etant donne les symptomes cliniques non specifiques (…), ainsi que les effets du changement climatique sur les taux d’infection transmise par les tiques, un test serologique a large spectre d’arbovirus devrait etre envisage pour les patients presentant une encephalite, en particulier en ete et en automne », analyse-t-il. « Un voyage recent dans une region endemique, une activite de plein air comme la randonnee et le camping, et une eventuelle exposition a des animaux ou a des tiques sont des elements importants a connaitre pour le praticien afin de s’orienter vers le bon diagnostic », conclut-il.
Quelques conseils pour se proteger des maladies transmises par les tiques
Les tiques vivent dans les forets et les sous-bois, les hautes herbes, mais egalement sur les parcours de golf et dans les jardins publics. Afin de reduire le risque d’infection, il est conseille par le site medical Vidal de :
– porter des vetements couvrant la peau et des chaussettes remontant sur le bas des pantalons
– marcher au centre des sentiers pour eviter l’herbe et les buissons
– utiliser un repulsif contenant du DEET a 50% sur les parties decouvertes et un insecticide contenant de la permethrine sur les vetements
– verifier regulierement l’absence de tiques sur le corps (cuisses, bras, aisselles et jambes)
– en cas de presence d’une tique, l’enlever a l’aide d’une « pince a tique » en la saisissant le plus pres possible de la peau et en tirant progressivement (il faut eviter d’ecraser la tique, de la bruler ou d’appliquer diverses substances)
– laver et desinfecter la zone de piqure et les mains
– en cas de fievre, de rougeur de la peau (en forme d’anneau) ou d’autres symptomes nouveaux apres une piqure de tique, consulter rapidement un medecin.