Notre microbiote génital ou « sexome » est unique et pourrait servir à identifier les coupables de viols à la manière d’une empreinte digitale bactérienne, expliquent des scientifiques australiens dans une étude publiée dans la revue iScience.
Les recrues de l’étude frottent de longs cotons tiges qui à l’intérieur de son vagin, qui le long de son pénis et autour du gland. Les 12 couples volontaires ont réalisé ces prélèvements après 2 à 14 jours d’abstinence au minimum, puis quelques heures après un rapport hétérosexuel avec pénétration. « Lorsque nous avons comparé les échantillons avant et après, nous avons pu constater des signatures d’ADN bactérien de la femme sur l’homme et de l’homme sur la femme« , explique Brendan Chapman, chercheur en sciences médico-légales à l’université Murdoch (Australie). « En médecine légale, c’est ce que nous appelons une « trace » ou un « transfert » et c’est ce genre d’éléments que nous utilisons en fin de compte pour démontrer qu’il y a eu contact. »
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Les limites de la détection de sperme après un viol
Lorsqu’une victime de crime sexuel se présente, les laboratoires de police scientifique prélèvent du matériel biologique masculin sur la victime féminine au cours d’un examen effectué par un médecin spécialisé dans les agressions sexuelles. « Cette méthode est extrêmement efficace« , précise Brendan Chapman, mais en pratique la recherche et l’isolement des spermatozoïdes « posent certains problèmes« .
D’abord, le prélèvement doit être réalisé dans les 48 heures suivant les faits, sans quoi la proportion de spermatozoïdes sera significativement moindre dans les prélèvements vaginaux. En outre, le traitement de l’échantillon permettant de séparer le sperme des autres cellules puis d’en purifier l’ADN entraîne en effet des pertes. « Sans compter les scénarios où il n’y a pas de spermatozoïdes, par exemple lorsqu’un délinquant n’éjacule pas, est vasectomisé ou utilise un préservatif« , ajoute le chercheur.
Le sexome féminin est détecté sur le pénis même avec préservatif
C’est là que le sexome, le microbiote génital, peut être un outil complémentaire utile dans les cas où les tests d’ADN conventionnels ne fonctionnent pas. « Pour y parvenir, nous devons comprendre quelles bactéries feront des cibles adéquates« , explique Brendan Chapman. D’après leurs observations, les bactéries de type Lactobacillus contribuaient le plus au transfert de sexome féminin vers le sexome masculin. C’est d’ailleurs le genre bactérien le plus retrouvé dans le microbiote vaginal.
L’utilisation d’un préservatif, de lubrifiant, la fréquence des rapports oraux, la circoncision et la présence de poils pubiens n’avaient pas d’impact statistiquement significatif sur la diversité microbienne des hommes ou des femmes, rapportent les scientifiques. En revanche, lorsqu’un préservatif était utilisé, la majorité du transfert microbien se faisait de la femme vers l’homme, bien que l’inverse « soit possible« , commente Brendan Chapman. Si les raisons de ce transfert relativement unilatéral ne sont pas connues, le chercheur soupçonne que « la manière dont le préservatif est mis en place et les activités qui ont eu lieu auparavant peuvent servir de vecteur pour le transfert de la bactérie« .
Une potentielle persistance des transferts même plusieurs jours après le rapport
Cette découverte signifie qu’il pourrait exister des marqueurs microbiens permettant de détecter un contact sexuel, même en cas d’utilisation d’un préservatif, pointent les chercheurs dans la publication. D’autant qu’ils ont détecté une signature ADN de la partenaire d’un homme dans les échantillons prélevés après cinq jours d’abstinence. « Nous émettons l’hypothèse qu’il pourrait s’agir de traces résiduelles d’un contact sexuel antérieur, auquel cas il aurait persisté pendant un certain nombre de jours et malgré le lavage« , espère Brendan Chapman, qui y consacrera de prochains travaux. « L’avantage de notre approche est qu’elle ne nécessite aucun prélèvement supplémentaire ni aucun traumatisme pour la victime. C’est un point important pour nous« , conclut-il.