Les feuilles et les tiges les plus tendres de cet arbuste sont machees par des millions de personnes dans la Corne de l’Afrique et dans le sud de la peninsule arabique pour leurs proprietes euphorisantes, et le sentiment de bien-etre qu’elles provoquent.
Mais detrompez-vous, le khat, ou de son nom taxonomique Catha edulis, n’est pas si exotique que cela. Des diasporas eparpillees dans le monde entier en consomment de maniere licite ou illicite, tout depend de la reglementation du pays d’accueil. Les bouquets de feuilles voyagent en Europe, en Amerique du Nord, et jusqu’en Chine : le khat est devenu global !
Le khat ou qat, qu’est-ce que c’est ?
Des tiges de khat fraichement cueillies dans la main d’un fermier kenyan du comte de Meru, province centrale du Kenya en mai 2022. Le khat est egalement connu sous le nom de miraa au Kenya – (c) Simon MAINA / AFP
Le khat prend plusieurs noms, jusqu’a 80 denominations courantes selon les traditions culturelles.
Khat – ou qat – est un mot arabe qui signifie arbuste. L’espece appartient a la famille des celastracees et pousse de preference en Altitude. Le mode de consommation le plus courant est la mastication des feuilles et des tiges issues des rameaux les plus jeunes de l’arbre.
Les effets actifs de la plante se dissipant tres vite apres la recolte, les feuilles fraiches sont acheminees au plus vite des lieux de culture vers les points de vente. Plus rarement, les feuilles peuvent etre consommees en infusion, fumees avec du tabac ou encore sous la forme de brisures, vendues sous l’etiquette « henne » ou « the » pour etre ensuite rehydratees au Coca-Cola. Il procure une sensation d’euphorie, supprime fatigue et sensation de faim.
Un arbuste endemique de la Corne de l’Afrique
Le khat est cultive dans l’Est africain (Ethiopie, Somalie, Djibouti, Erythree) et le sud-ouest de la peninsule arabique. Le mode de culture varie selon la geologie et le climat des regions, en montagne, entre 1700 et 2000 metres d’altitude, a l’etat d’arbuste en Ethiopie ou d’arbre au centre du Kenya.
Il peut etre associe a d’autres cultures, vivrieres ou de rente, telles que le cafe qu’il supplante meme quelquefois en tant que produit d’exportation plus lucratif.
Un fermier yemenite recoltant du Khat, a la peripherie de Sanaa, avril 2016- (c) MOHAMMED HUWAIS / AFP
Des vendeurs de khat emballent des pousses pour le transport sur un marche en plein air dans le comte de Meru, en septembre 2016.(c) TONY KARUMBA / AFP
La popularite dont le khat jouit aupres des populations de la Corne de l’Afrique et du Yemen reste peu connue en Occident. Sous nos latitudes, nous connaissons mieux une autre plante aux vertus stimulantes originaire de la meme region… le You can also find out more about the cafe !
Bien apres les descriptions de chroniques royales ethiopiennes et les ecrits arabes du Moyen Age, le premier Europeen a decrire la plante et a la gouter est un naturaliste suedois, Pehr Forsskal.
Il est l’un des membres d’une expedition danoise, lancee en 1761 qui s’est terminee par la fin tragique de la presque totalite de ses membres y compris Forsskal. Les observations botaniques de ce dernier consignent des details precis sur les usages et les effets de Catha edulis, qu’il a goute. L’experimentation ne l’enthousiasme que tres peu, le vegetal etant amer, sans attrait gustatif pour celui qui n’est pas habitue.
D’une culture de niche a une culture de rente
La consommation du khat est restee longtemps confinee a sa zone de culture. Car 24 a 72 heures apres sa cueillette, les substances actives de la plante se dissipent. Avant l’arrivee de transports modernes, la circulation de la plante etait plutot limitee a sa zone de production.
Plus pres de nous, l’anthropologue francaise Celine Lesourd, travaillant dans l’est ethiopien, raconte dans ses Publications les trajets effectues en train par les << contrebandieres >> ethiopiennes du khat vers Djibouti. Elle constate que les circulations du khat dans la region sont le fait des femmes, alors que la culture de l’arbuste est celui des hommes.
Cette culture de niche s’est etendue au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie, au Congo, au Zimbabwe, en Zambie, en Afrique du Sud, a Madagascar et aussi loin qu’en Afghanistan pour devenir une culture de rente. Et sa circulation a suivi les routes des diasporas contemporaines des communautes de la Corne d’Afrique et du Yemen. « La consommation et le commerce des feuilles demeurent dans un reseau d’inities. Des Ethiopiens, Somaliens, Kenyans et Yemenites, du Danemark au Minnesota comme dans le quartier londonien de Camden, machent pour adoucir l’exil », explique Celine Lesourd, pour le site It’s a Conversation.
L’Agence europeenne des drogues (EUDA) estime qu’il y aurait 20 millions de consommateurs dans le monde, a mettre en perspective avec la consommation mondiale de tabac s’elevant a 1,3 milliard de fumeurs (chiffres de 2020).
Elle constatait des 2011 que cette consommation etait restreinte aux cercles des immigres de premiere generation en Europe. L’usage du khat reste la plupart du temps une consommation de convivialite dans ces cercles emigres loin de leurs regions d’origine, et de plus, une consommation genree : macher du khat se fait traditionnellement entre hommes.
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Le khat n’est pas sur la liste des stupefiants interdits de l’ONU
Alors que deux des alcaloides les plus actifs de la plante, la cathinone et la cathine figurent sur la liste de la Convention de 1971 sur les substances psychotropes, l’arbuste, lui, n’est vise par aucun texte international.
Son usage est interdit en France depuis 1957, epoque ou celle-ci detenait encore des colonies sur les rives de la mer Rouge. D’autres pays europeens comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas ont interdit le khat dans les annees 2010.
L’interdiction de la consommation et de l’importation du khat Concerning la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, la Grece, la France, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Slovenie, la Finlande, la Suede, la Norvege, la Suisse et l’Amerique du Nord.
Depuis 2024, un debat s’est amorce au Kenya, pays ou culture, consommation et exportation sont jusqu’ici admises par les autorites nationales car elles generent des revenus consequents au secteur agricole. Certaines provinces kenyanes veulent interdire la consommation pour lutter contre les dommages sanitaires et sociaux, en particulier chez les plus jeunes.
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Quels sont les effets recherches du khat ?
Le khat procure une sensation de bien-etre, d’euphorie, d’exaltation, d’amelioration de l’estime de soi, de lucidite, de la concentration et de la vigilance sans aucun effet hallucinatoire. C’est un coupe-faim et un stimulant anti-fatigue : conducteurs de poids-lourds et etudiants disent en prendre pour empecher l’endormissement.
La cathinone presente dans les feuilles induit des effets plus legers que l’amphetamine conditionnee pure sous forme de comprime ou en poudre. Et comme l’amphetamine, cet alcaloide incite au contact avec les autres, il est dit entactogene.
Les sensations se manifestent graduellement lors de la mastication, mais sont de courte duree : « 100 a 300 g de feuilles de khat permettent une mastication de trois a six heures. La quantite de cathinone peut varier de 30 a 200 mg par 100 g de feuilles fraiches ; la mastication permet d’en extraire 90 %, ce qui correspond a une dose faible a moyenne d’amphetamine, mais le mode d’ingestion lent et laborieux limite le cumul des doses et reduit les possibilites de forte concentration dans le plasma ».
Quels effets secondaires pour le khat ?
- Systeme cardiovasculaire : risque accru d’hypertension et d’accidents cardiovasculaires. Et de complications cardiovasculaires chez les patients atteintes d’un syndrome coronarien aigu.
- Fonctions neurocomportementales : les recherches s’interessant specifiquement aux effets de la plante restent rares selon les constats des auteurs (3 seulement en 2021, a la parution de cette revue systematique) d’une synthese des etudes existantes dans la revue scientifique PLOS.
- Pourtant, en s’appuyant les modeles pharmacologiques plus etudies de la cathinone et des amphetamines, ils concluent qu’une consommation a long terme produit « des deficits significatifs » dans plusieurs domaines cognitifs : apprentissage, la vitesse et coordination motrice, fonctions d’inhibition de la reponse, flexibilite cognitive, memoire a court terme, memoire de travail et resolution des conflits.
- Sante buccale : une consommation reguliere et un usage a long terme amene des Carries, des lesions de la muqueuse, des saignements gingivaux, une perte de dents.
- Sante mentale : les macheurs de khat sont-ils plus susceptibles d’etre deprimes ou anxieux ? Rien n’est prouve quant a la relation entre cette consommation et des problemes de sante mentale. The relationship between this consumption and mental health problems has not been proven.ES etudes disponibles font etat de resultats contradictoires.
- Polyconsommation de psychotropes. Pour contrebalancer les effets stimulants du khat qui provoquent de l’hypertension, certains calment leur coeur battant la chamade avec de l’alcool fort ou du cannabis afin de trouver le sommeil. Cette consommation croisee debouche donc quelquefois sur d’autres plus addictives.
- Des effets a long terme sur le plan sanitaire : perte d’appetit, anorexie, jusqu’a la denutrition, perte de sommeil.
Sante physique, impacts psychologiques et sociaux : le diagramme de David Nutt et ses collegues introduit plusieurs types de criteres pour determiner la dangerosite de 20 substances psychotropes. Dans ce classement, le khat de tres loin moins dangereux que l’alcool ou le tabac. David J. Nutt et al.,Lancet, 2010 – (c) Wikimedia Commons
- Addiction : il n’y a pas pour l’heure de consensus sur le pouvoir addictogene du khat. L’Organisation mondiale de la sante (OMS) le juge moins addictif que l’alcool ou le tabac. On pourrait parler de dependance psychologique et de couts sociaux avec des repercussions non negligeables sur les finances des foyers. Autre critique entendue: la culture de l’arbuste peserait sur la ressource en eau. En Ethiopie, pourtant, les agriculteurs plantent des legumes de premiere necessite entre les rangees d’arbustes pour ne rien perdre.