« Il y a des blesses ? Ca va le mental ? « . Depuis le passage du cyclone qui a devaste Mayotte le 14 decembre, des camions itinerants de la protection maternelle et infantile arpentent les zones enclavees de l’archipel ou Chido a complique l’acces aux soins, precarisant femmes et enfants.
Deambulant dans le quartier informel de Cavani Sud (est de Mayotte), la psychologue Mona Fandi interpelle une femme: « Bonjour ! Tu as des enfants malades ou blesses chez toi, des femmes enceintes ? Ca va le mental ? C’etait un sacre choc, Chido ! »
Puis, avisant des bambins jouant dans les ruines d’une maison: « Tu as de jolies boucles d’oreilles », dit-elle a la plus petite, prenant ce pretexte pour poser une main attentive sur son front et verifier sa temperature.
Une adolescente vient au contact de Mona Fandi. « On a un camion, vers l’ecole, avec une sage-femme, une infirmiere, une traductrice et une psychologue. Viens si tu as besoin ! Et fais passer le message », lui lance cette derniere.
L’objectif avec ce camion de la protection maternelle et infantile « est d’aller voir la population et proposer des soins » dans les zones peu accessibles de l’ile, et pas seulement les bidonvilles, explique Mona Fandi a l’AFP.
Pendant ce temps-la, au sein du camion, une sage-femme change l’implant contraceptif d’une femme tandis qu’une infirmiere echange avec une mere dont les enfants ont la varicelle.
– Eviter que l’hopital soit « noye » –
« On a pas mal de stocks de medicaments, du Doliprane, des sels de rehydratation, des barres pour enfants malnutris, du serum physiologique, toutes les contraceptions et des tests de grossesse », montre l’infirmiere Jeanne Savalle.
Les habitants viennent « pour des plaies (causees) par des toles ou des clous, de la fievre, de la deshydratation », detaille celle qui fait aussi office de puericultrice.
Les femmes, en particulier, « pour de la contraception, ou pour leur grossesse. L’idee du camion, c’est d’eviter que l’hopital soit noye », complete sa collegue sage-femme.
Saida, 10 ans, djellaba verte pailletee, monte timidement dans le vehicule et tend a Binti Ahamada, infirmiere puericultrice, son pied abime par un barbele, blessure qu’elle s’est faite pendant le cyclone.
Quand on lui demande comment elle va, la jeune fille prend le temps de la reflexion, ses grands yeux balayant l’espace. « Ca ne va pas », conclut-elle. Au « pourquoi ? « , ses yeux s’embuent et elle craque.
« Je vais prendre le relais », intervient alors Mme Fandi.
– Fausses couches –
« J’ai des mamans tres fatiguees, depassees par les evenements, qui ont peur de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de leurs enfants. Beaucoup vendaient des fruits et legumes sur le bord de la route et (avec la destruction des arbres fruitiers, NDLR) n’ont plus d’argent », narre Mona Fandi.
La psychologue voit aussi « des mamans qui ont perdu leur bebe durant Chido » a cause du stress notamment, comme l’une d’elles qui a fait une fausse couche a sept mois de grossesse.
Mona Fandi travaille pour le Departement, a l’Aide sociale a l’enfance (ASE), qui a en charge 2.500 enfants dont 1.200 sont places en foyers ou familles d’accueil, dit-elle.
Aujourd’hui, « on n’a pas un visuel reel de ce qu’il se passe », deplore la psychologue. Car tout de suite apres le cyclone, les professionnels n’ont pu acceder a certaines zones pour aller voir les enfants, les forces de l’ordre ne les considerant pas assez prioritaires pour leur faire passer les cordons de securite, assure-t-elle.
Elle souligne egalement que des « signalements et des informations preoccupantes » concernant les mineurs n’ont pas « pu arriver jusqu’au parquet » ni a la protection de l’enfance, notamment des viols commis sur des enfants durant le cyclone « qu’on n’a pas pu traiter tout de suite puisqu’on n’avait plus d’acces au reseau ».
La mise a l’abri des mineurs est compliquee egalement, puisque les toits manquent et « beaucoup » d’enfants ont ete abandonnes par leurs parents apres Chido, « pour raisons economiques ».