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Dentistes: contre les deserts medicaux, un debut de regulation

décembre 28, 2024

C’est une petite revolution qui se joue dans le monde feutre des chirurgiens-dentistes: pour la premiere fois a partir du 1er janvier, des regles limiteront l’installation des professionnels dans certaines zones deja tres dotees, pour tenter de resorber les desequilibres.

Les inegalites sont flagrantes: en France, 65% des communes, souvent en milieu rural, sont « tres sous dotees » en chirurgiens-dentistes selon Cartosante, l’outil numerique du ministere de la Sante. A l’inverse, 3% d’entre elles, souvent dans les metropoles, sont « tres dotees », et 0,2%, soit 77 communes, sont meme sur-dotees.

Parmi ces 77 communes se trouvent les beaux quartiers de l’ouest parisien, les 2e, 3e et 6e arrondissements lyonnais, ou encore les villes de Strasbourg, Anglet et Neuilly-sur-Seine. Cette liste est amenee a s’allonger, les donnees de la region Provence-Alpes-Cote d’Azur et des outre-mer n’ayant pas encore ete communiquees.

Ce sont ces dernieres communes qui sont concernees par la mesure: au 1er janvier, l’Assurance Maladie y refusera tout nouveau conventionnement d’un chirurgien-dentiste, sauf pour remplacer un depart en retraite ou une cessation d’activite.

En clair, un praticien qui ouvrirait un nouveau cabinet a Strasbourg pourrait tout a fait y soigner ses patients, mais ceux-ci ne seraient pas rembourses.

A quelques jours de son entree en vigueur, cette nouvelle regulation ne semble pas effrayer les professionnels deja installes.

« Cela repond a une logique qui est comprise par l’ensemble de la profession », assure David Lafond, vice-president du Conseil regional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes du Grand Est, qui exerce lui-meme a Strasbourg.

« Et puis il ne sera pas impossible de s’installer: cela implique de reprendre un cabinet, en sachant qu’il y a un grand renouvellement des praticiens a prevoir. Ici, beaucoup de dentistes partent en retraite », assure-t-il.

Mais chez les etudiants et les jeunes diplomes, la mesure est moins bien acceptee.

« Pour nous, c’est le debut d’un systeme coercitif », s’agace Ralitsa Androlova, presidente de l’Union nationale des etudiants en chirurgie dentaire (UNECD). « Ce dispositif met fin a la liberte d’installation, alors qu’on s’engage dans ces etudes pour exercer un metier liberal ».

– Aides a l’installation –

Plus de 65% des communes
Plus de 65% des communes « tres sous-dotees » en chirurgiens-dentistes (AFP – Pierre MOUTOT, Sabrina BLANCHARD, Paz PIZARRO)

La mesure resulte d’un accord entre l’Assurance Maladie et les deux principaux syndicats de dentistes FSDL (Federations des syndicats de dentistes liberaux) et CDF (Chirurgiens dentistes de France), qui representent plus de 95% de la profession.

« Si on avait pu eviter ces dispositions, on aurait ete ravi », admet Julien Cardona, secretaire general adjoint de CDF. « Mais chaque annee, la question de la contrainte a l’installation revenait, et on fait le constat qu’il y a un vrai probleme d’acces aux soins. On a pense qu’il valait mieux negocier ces contraintes, avec un impact plus raisonnable, plutot que ce soit impose de maniere unilaterale ».

En contrepartie de la mise en place d’une regulation dans quelques dizaines de communes francaises, les syndicats ont obtenu le doublement de l’aide forfaitaire a l’installation dans les zones tres sous-dotees, portee a 50.000 euros.

Et la carte de ces zones a elle-meme ete etendue pour couvrir un territoire representant 30% de la population, contre 7% auparavant.

– « Il etait temps » –

Au final, ces mesures « sont equilibrees dans le sens ou elles privilegient davantage de chirurgiens dentistes qu’elles n’en penalisent », estime Julien Cardona.

Le dispositif est egalement salue par les elus et les habitants des deserts medicaux, qui esperent voir se reduire les desequilibres.

« Il etait temps qu’on prenne des mesures », soutient Bernard Guy, maire de Saint-Blin (zero dentiste), et president de l’Association des maires de Haute-Marne. « Dans notre secteur c’est tres complique. Les agendas sont pleins, aucun dentiste n’accepte de nouveaux patients ».

« C’est une tres bonne chose », abonde Laure Artru, co-presidente de l’Association de citoyens contre les deserts medicaux. « Les infirmiers, les sage-femmes, les kinesitherapeutes, mais aussi les pharmaciens: de nombreuses professions de sante sont soumises a des regles pour leur installation. A quand la meme chose pour les medecins? « , interroge-t-elle.

Le 3 decembre, une proposition de loi signee par 237 deputes de tous bords a ete deposee: elle propose, comme pour les dentistes, d’autoriser un medecin a s’installer dans une zone ou l’offre de soins est deja suffisante seulement lorsqu’un praticien de meme specialite y cesse son activite.

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