L’hypoxie, un déficit en oxygène dans les tissus de l’organisme, serait source d’infertilité masculine. C’est la conclusion des travaux de la chercheuse australienne Tessa Lord publiés dans la revue Nature Reviews Urology.
Plusieurs situations peuvent entraîner une hypoxie dans tout l’organisme, comme la haute altitude ou l’apnée du sommeil (lire l’encadré ci-dessous). De plus, au niveau des testicules, la varicocèle, c’est-à-dire l’apparition de varices (dilatations anormales des veines) dans le scrotum (l’enveloppe soutenant les testicules), ou un phénomène de torsion testiculaire (entortillement du cordon contenant les veines et artères irrigants le testicule) peuvent également être la cause d’un apport en oxygène réduit.
Après avoir étudié le niveau d’oxygène nécessaire au développement des différentes cellules présentes dans les testicules, Tessa Lord a voulu savoir quels seraient les effets d’un état d’hypoxie sur les « cellules germinales (les cellules reproductives, ndlr) en différenciation (qui subissent une transformation pour devenir des spermatozoïdes, ndlr) ». Et donc l’impact sur la fertilité masculine.
L’apnée du sommeil, qu’est-ce que c’est ?
Le syndrome d’apnée du sommeil (SAOS) est un trouble du sommeil se caractérisant par des pauses respiratoires involontaires. Selon le Centre du Ronflement et des Troubles du Sommeil (CRTS), l’apnée du sommeil touche entre 5 et 7% de la population française adulte et jusqu’à 15% des personnes âgées de plus de 70 ans.
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L’hypoxie entraîne des modifications des cellules reproductives
Pour ses travaux, Tessa Lord a utilisé des souris et des rats dont le processus de développement des spermatozoïdes est similaire à celui des hommes. La chercheuse a donc constaté que lorsque les testicules manquent d’oxygène, les cellules germinales subissent des modifications, notamment dans l’expression de leurs gènes. Ce changement entraîne une altération de la différenciation des cellules reproductives, lorsqu’elles deviennent des spermatozoïdes, mais également un remodelage anormal lors de la dernière étape de cette différenciation ainsi qu’une apoptose (c’est-à-dire une autodestruction de la cellule).
Au niveau de l’épididyme, le lieu de stockage et de conservation des spermatozoïdes mûrs situé à côté du testicule, une exposition hypoxique peut être à l’origine d’une modification du nombre de cellules épithéliales, présentes à la surface du corps et des organes, mais aussi de leur empreinte génétique (c’est-à-dire de leur profil génétique). Ces modifications causent une augmentation du pH contenu dans le liquide luminal, présent dans l’épididyme. Ce liquide influence à son tour directement la maturation des spermatozoïdes et leur capacité de fécondation de l’ovocyte.
Au-delà de l’impact direct sur les spermatozoïdes du père, l’hypoxie pourrait de même être à l’origine de modifications transmises d’une génération à l’autre. L’embryon venant d’un père ayant souffert d’un manque d’oxygène peut, par conséquent, avoir un développement potentiellement compromis. De plus, d’après Tessa Lord, il se peut également que cette progéniture soit, elle aussi, affectée par « une fertilité réduite bien qu’elle n’ait jamais été exposée à l’hypoxie elle-même ». Cependant, « nous ne savons pas si une chose similaire pourrait se produire chez l’homme, c’est quelque chose que nous aimerions examiner à l’avenir », indique la scientifique. D’autres études sur le sujet sont donc nécessaires pour savoir si de tels effets existent chez l’humain.
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Une cause de l’infertilité réversible
Toutefois, cette anomalie dans la fertilité pourrait être réversible. En effet, il suffirait de revenir à des conditions normales d’apport en oxygène. Néanmoins, il faudrait attendre au moins un ou deux cycles de spermatogenèse (processus de développement du spermatozoïde durant environ 74 jours chez l’humain), pour que de nouveaux spermatozoïdes se forment normalement, sans hypoxie.
Ainsi, en redescendant à des altitudes plus basses, ou en traitant une apnée du sommeil, une torsion testiculaire ou encore une varicocèle, il serait possible de revenir à des taux normaux d’oxygène dans les testicules, permettant une fabrication de spermatozoïdes non compromise, entraînant une recrudescence de la fertilité.