Pres de deux tiers des fruits et de la moitie des legumes non bio contenaient des traces de pesticides, entre 2017 et 2021. En fevrier dernier, l’association Generations futures publiait cet etat des lieux des fruits et legumes vendus en France. Jusqu’a present, on pensait que laver ses fruits et legumes pouvait suffire a se premunir de l’ingestion de ces substances. Mais une nouvelle etude de l’Universite agricole d’Anhui (Chine) atteste de la presence de pesticides au-dela de la peau des pommes, dans la chair.
Grace a la mise au point d’une technique d’imagerie tres precise, l’equipe de Dongdong Ye est parvenue a identifier des traces de pesticides dans la couche de pulpe la plus externe du fruit. Leurs resultats ont ete publies dans la revue Nano letters.
Les limites maximales de residus de pesticides
« Il existe des seuils, des limites maximales de residus (LMR), definis par un cadre reglementaire stricte« , rappelle Roger Genet, ancien directeur general de l’Anses, lors d’une interview sur les pesticides en 2018.
Au dela de ces seuils, la commercialisation des produits, pour l’Homme et l’animal, est interdite. « Les limites sont etablies apres une evaluation des dangers et des risques chroniques, avec une importante marge de securite, » ajoute-t-il. Dans son rapport de 2024, Generations futures alertait justement sur le depassement de ces limites.
En premiere position figurait le fruit de la passion. Sur 5 ans, plus de 37% des echantillons de ce fruit analyses depassaient les seuils de tolerance. A la cinquieme place de ce classement des mauvais eleves : La pomme. C’est ce fruit que les scientifiques de l’Universite agricole chinoise ont examine de pres.
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Laver ses fruits ne suffit pas
Pour analyser les echantillons de pomme, l’equipe de Dongdong Ye s’est appuyee sur une technique de plus en plus utilisee : la DRES (Diffusion Raman exaltee de surface). « Elle est tres utilisee dans la detection de substances a l’etat de traces dans le domaine de la securite alimentaire car elle est simple, rapide, et tres sensible, » resume le premier auteur de l’etude, lors d’une interview pour Sciences et Avenir.
Cette methode consiste a reveler des signatures chimiques grace a la lumiere. Pour les rendre encore plus visibles, les molecules a analyser sont collees a une surface metallique. « Les motifs ainsi crees servent de signatures moleculaires et peuvent etre utilises pour identifier de petites quantites de composes specifiques, » precisent les auteurs.
Mais cette technique presente plusieurs defauts, que les chercheurs ont tente d’effacer. En effet, les surfaces metalliques rigides s’adaptent mal aux irregularites des echantillons. Les auteurs ont donc utilise une substance flexible, la cellulose, qu’ils ont immergee dans une solution de nitrate d’argent. Ce procede a aboutit a une technique d’une extreme precision.
Pour leurs tests, les chercheurs ont pulverise deux pesticides connus a la surface des pommes : thirame et carbendazime. Seuls, ou ensemble. Plus tard, ils les ont rincees, « afin d’imiter les pratiques quotidiennes« . Mais en appliquant leur methode d’analyse, les chercheurs s’apercoivent que les pesticides sont toujours presents, a de faibles concentrations. Plus etonnant encore, ils n’etaient pas circonscrits a la peau des pommes, et atteignaient la pulpe.
L’analyse des echantillons revele des traces de pesticides dans la chair des fruits, a moins d’un demi millimetre de la peau. « Ces resultats suggerent que le lavage seul ne suffirait pas a empecher l’ingestion de pesticides et qu’il faudrait les eplucher pour eliminer la peau et la fine couche contaminees, » concluent les auteurs.
Comment reduire son exposition au risque chimique ?
Aujourd’hui, les productions agricoles sont regulierement Controlees. Roger Genet, ancien directeur de l’Anses rappelait en 2018 : « La presence de traces de contaminants ne signifie pas necessairement un risque pour la sante.«
Il ajoutait : » Pour les consommateurs, il faut noter que le principal risque est souvent associe a des comportements particuliers, telle une forte consommation d’un aliment donne ou d’un groupe d’aliments« . Diversifier son alimentation permet donc de reduire son exposition au risque chimique.
Concernant les enfants, le Programme national nutrition sante (PNNS) recommande de n’entamer la diversification alimentaire qu’a partir de 6 mois. « La diversification peut entrainer une exposition a certains contaminants qui peut etre superieure a celle resultant de la consommation de preparations infantiles, sans qu’elle soit pour autant jugee preoccupante,Roger Genet.